17 Nov Autonomie des patients : quand les unités de l’Atir en font un projet de service
Depuis le début d’année, les infirmiers des unités d’hémodialyse de proximité (UHP) de l’Atir situées dans les communes de Koumac, Poindimié et sur l’île de Wallis, invitent certains patients à monter eux-mêmes leur générateur de dialyse. Un exercice d’autonomisation délicat dont Anne-Françoise Lemaître, leur cadre de soins référente, nous explique les enjeux.
Vous souvenez-vous de notre article sur Pierre, ce patient de l’Atir enthousiaste de monter lui-même son générateur ? Pierre l’avait compris, c’était là un moyen de mieux comprendre sa maladie rénale chronique (MRC), de gagner en autonomie face à elle et donc, d’améliorer sa qualité de vie. Dans cet état d’esprit, il a suivi le long parcours qui aboutit à la greffe, avec succès. Anne-Françoise Lemaître, cadre de soins, supervisait alors l’unité de dialyse qui le prenait en charge. Trois ans plus tard, elle en est toujours convaincue : « Pour inciter les patients à observer leur traitement, les sortir de leur passivité, leur redonner confiance en eux, il est important de les responsabiliser. C’est pourquoi j’ai proposé aux équipes d’hémodialyse de Koumac, Poindimié et Wallis, que j’accompagne, d’inclure l’autonomisation des dialysés dans leur projet de service ».
Des patients d’abord sensibilisés aux notions clés de la MRC
Que suppose le processus d’autonomisation du patient ? D’abord, de lui assurer la connaissance de sa pathologie et de l’impliquer dans sa séance de dialyse. « Pour l’amener à une meilleure observance de son traitement, nous devons le sensibiliser à des notions clés comme le poids sec, poursuit Anne-Françoise. Les IDE et agents de service lui demandent de regarder lui-même la balance et de noter son poids d’arrivée. S’il ne présente pas de troubles cognitifs, des rappels sur la notion de poids sec sont faits. » Aux patients mobiles et cliniquement stables, les IDE vont suggérer d’aller plus loin. « Nous les encourageons à participer à leurs soins. C’est ce qui est recherché en leur apprenant à s’auto-ponctionner (comme Gaston, ci-contre, à Poindimié), à monter leur générateur, voire à le programmer. Les patients volontaires nous le disent : il est très valorisant de maîtriser une partie de son traitement. »
Un défi pour les UHP de Koumac, Poindimié et Wallis
En janvier, les IDE des UHP situées à Koumac, Poindimié et Wallis ont adhéré à la proposition d’Anne-Françoise. Il en découle plusieurs tâches. « Ils identifient les patients éligibles et élaborent leur méthode d’enseignement avec des supports pédagogiques adaptés aux générateurs de l’unité. Ensuite, ils présentent les avantages de monter son générateur à tous les patients et organisent les formations de ceux qui acceptent le défi. » Aussi, fin juillet, l’UHP de l’île de Wallis comptait-elle déjà trois patients de nuit opérationnels sur Fresenius 5008. Dans celle de la commune de Poindimié, une patiente montait son générateur Artis, en plus de deux patients qui s’auto-ponctionnaient. « À Koumac, un patient d’une quarantaine d’années s’est lancé parce qu’il veut rester autonome, indique Rémi, IDE de l’unité. Il programme même son générateur et prend ses rendez-vous médicaux. »
Écueils objectifs, freins subjectifs
Pourtant, l’autonomisation des patients ne manque pas d’écueils, en brousse. En premier lieu, le faible nombre de patients concernés. « Les mises en dialyse sont de plus en plus compliquées, l’état de santé des patients, très dégradé, ne leur permet pas de gagner en autonomie », observe Rémi. Deuxièmement, la mobilisation de temps considérable. « Nous avions déjà fait un essai d’autonomisation, il y a une dizaine d’années, grâce à une ancienne IDE attachée à l’éducation thérapeutique des patients, relève-t-il encore. Nous en comprenons tout l’intérêt. Mais devant une charge de travail administrative qui augmente, la nécessité d’aller vite, nous préférons effectuer les tâches nous-mêmes. C’est plus efficace. Par exemple la prise de rendez-vous. On s’est enfermés dans cette logique, il faut faire l’effort d’en sortir. »
En outre, le projet comporte des contraintes accessoires : « Il faut s’entendre avec les ambulanciers pour que le patient arrive plus tôt car monter son générateur exige du temps », indiquent Armand et Clarisse, infirmiers à Koumac. Enfin, un dialysé qui s’autonomise ne soulage pas pour autant les équipes. « Il requiert beaucoup d’attention, car les IDE doivent le former et vérifier, chaque fois, que le montage est correct, rappelle Anne-Françoise. L’autonomisation des patients ne se traduit pas par un gain de temps pour l’IDE ; au contraire, elle en exige davantage que si l’IDE agissait seul. C’est la dynamique générale du processus qui nous intéresse car elle favorise l’accompagnement vers l’autonomie et stimule la réflexion. » Cette dernière réalité, certains patients la nient, posant des freins subjectifs au projet. « Ils vont dire à ceux qui sont volontaires : c’est pas ton boulot ! C’est celui des infirmiers, relate Agathe, IDE à Poindimié. Il faut faire beaucoup de pédagogie. » Malgré les difficultés, les trois équipes se retroussent les manches pour faire prospérer cette démarche de progrès.




