« A l’Atir, les soignants sont très investis, ça, c’est une force ! »

Membre de l'équipe de l'Atir dont Marjorie Renault.

« A l’Atir, les soignants sont très investis, ça, c’est une force ! »

Quelques jours après l’arrivée de Marjorie Renault à l’Atir comme cadre de soins, fin mars 2024, de violentes émeutes éclataient en Nouvelle-Calédonie. D’où sa première mission : piloter une cellule d’appel chargée d’organiser la dialyse des patients, malgré les entraves aux déplacements. Depuis le retour au calme, Marjorie accompagne, dans leur pratique, les infirmiers de l’unité de dialyse médicalisée de l’association, dans le grand Nouméa. Elle nous dit fièrement tout ce qu’ils réalisent ensemble.

Quel bilan tirez-vous de votre expérience de cadre de soins, un an et demi après votre arrivée à l’Atir ?

Marjorie Renault arrivée en tant que cadre de soin à l'Atir.

Marjorie Renault en interview ci contre.

Marjorie Renault : Après la pluie, le beau temps ! Une fois sortis de la crise, il y a un an environ, nous avons progressivement remis en place les procédures de soins qui avaient été dégradées. J’ai pu me concentrer sur mon métier : j’accompagne les équipes dans leur pratique de l’hémodialyse. Je supervise ainsi une vingtaine d’IDE à Dumbéa sur Mer (DSM) et treize agents de service soit en poste fixe à DSM, soit membres du pool de remplaçants du grand Nouméa. Le bilan que je tire, c’est d’abord que ces agents et IDE sont très présents, très investis dans leur mission et ça, c’est une force ! Mes collègues cadres de soins, sous l’autorité de Julien Guillemot notre directeur, également. Nous agissons avec recul, notre organisation est souple, ça crée un environnement de travail vraiment stimulant. Et, depuis que je suis là, je constate que je suis confrontée à des questions qui ne sont pas les mêmes qu’en France : en particulier, l’absentéisme des patients et le manque d’observance de leurs traitements, qui dégradent leur état de santé et mettent régulièrement les infirmiers dans des situations d’urgence.

Devant ces problèmes, comment accomplissez-vous votre mission ?

Marjorie R. : Concrètement, pour encadrer la pratique d’une trentaine d’IDE et agents, j’entretiens un dialogue permanent avec eux et les collaborateurs des autres services. Je passe donc le matin en salle d’hémodialyse voir si tout va bien, je discute avec équipes et patients ; je participe aux réunions périodiques avec les techniciens, les gestionnaires des ressources humaines, les membres de la direction… Et je traite chaque jour les aspects administratifs de notre activité : planning, etc. Je m’efforce d’être le plus disponible possible pour les salariés que j’accompagne. Je dois aussi superviser les flux quotidiens de patients – il y a cent trente et un dialysés rien qu’à DSM – : repli de ceux du nord, départs vers les unités périphériques. C’est pourquoi j’assiste aux réunions qui leur sont dédiées. Je veille à échanger régulièrement avec leurs familles.

Ces patients vous réservent-ils un bon accueil ?

Marjorie R. : Oui, parce que nous apprenons à nous connaître. À mon arrivée, j’ai trouvé des dialysés assez passifs. En réfléchissant à la manière d’entrer en contact avec eux, de me présenter, en prenant en compte nos différences culturelles, je gagne leur confiance. Je vais régulièrement les voir en salle, je les invite à venir me voir dans mon bureau et, une fois par mois, je suis auprès de l’équipe de nuit de Nautile, à DSM. C’est une autre ambiance, qui resserre les liens entre patients et soignants. Parfois, nous sommes confrontés à l’agressivité d’un patient. Alors, je le reçois pour en parler, je lui rappelle la charte des droits des patients et je lui fais signer un contrat thérapeutique. Si nécessaire, je sollicite l’un de nos médecins. Nous coopérons d’ailleurs pour le bien-être des patients avec Catherine Jannet, qui est en charge de leur soutien psychologique, et avec Amélie Teissedre, notre assistante sociale.

Quels sont les principaux projets menés avec votre équipe ?

Patients recevant des soins à l'Atir en Nouvelle Calédonie.Marjorie R. : D’abord, nous travaillons l’autonomie des infirmiers, leur capacité d’initiative, car je veux qu’ils sachent faire quand je ne suis pas là, gérer les replis, les difficultés. Je pense que les métiers de cadre de soins et d’infirmier ne doivent pas rester cloisonnés. Les agents, les IDE, ont des idées qui viennent de leur pratique, il faut les valoriser et les intégrer aux projets que nous montons. Pour favoriser cette coopération, début juillet, avec Julien Guillemot, nous avons relancé les transmissions d’équipe, en leur allouant un quart d’heure, et lancé des petits déjeuners partagés, sur une demi-heure. Bientôt, chaque salle sera équipée d’un tableau Véléda sur lequel nous écrirons nos transmissions et informations à l’attention de l’équipe.

Nous travaillons aussi, avec les RH, à nouer des liens entre agents et IDE. Dans cet objectif, nous organisons des réunions, des ateliers de travail où ils expriment leurs idées sur une situation donnée. Nous pouvons décider d’en mettre certaines en place. Par ailleurs, nous projetons d’améliorer l’accueil des patients. Par exemple, déjà, en leur proposant à nouveau du café. Ça permettrait de leur éviter le long temps d’attente qui les fait ruminer et peut alimenter leur agressivité. Ce serait une bulle pour lâcher les émotions… Dans cette logique nous essayons d’améliorer la collaboration avec les ambulanciers qui les déposent et les récupèrent. Je pense qu’ils doivent accompagner le patient jusqu’en salle, et non le laisser devant l’ascenseur. Eloïse Bertram, responsable du service Qualité, travaille à ce propos une charte avec nos partenaires ambulanciers.

Êtes-vous satisfaite de la réaction de vos équipes devant ces projets dynamiques ?

Marjorie R. : Oui, vraiment satisfaite ! Comme nous travaillons dans la concertation, ils adhèrent aux projets. Par exemple, depuis janvier, nous avons modifié l’affectation des infirmiers à DSM : ils tournent dans les trois salles de dialyse Nautile, Notou et Niaouli. Ça n’était pas évident au départ, ils devaient sortir de leur zone de confort. Résultat : ils ont créé ensemble leur trame de planning unique, sur six semaines. Et le nouveau système marche si bien qu’ils ont tous envie de changer de salle ! Nous sommes en train de l’instaurer pour les agents de service. A Dumbéa, nous ne nous ennuyons jamais, car nous ne voulons laisser personne au bord de la route. J’apprends beaucoup au contact des patients, leur culture, leur langue, ça se passe de mieux en mieux. Peut-être que nous pourrons bientôt envisager de leur faire monter leurs générateurs ?

Marjorie témoigne : la nuit à DSM…

« Une nuit, je me suis rendue en salle de dialyse à DSM. A ce moment, j’ai compris pourquoi l’une des patientes essayait de s’arracher les lignes. J’ai découvert sur place qu’elle était somnambule ! C’est aussi la nuit que j’ai tissé des liens avec l’un des dialysés, jusque-là assez distant. Finalement, j’ai appris qu’il était secouriste de métier. Il était venu me prévenir qu’un autre patient avait fait un malaise et ne respirait plus. Grâce à la bonne cohésion cette nuit-là entre soignants et patients, nous avons surmonté cette épreuve. Une semaine après, j’ai déclenché un groupe de parole. »

Retrouvez aussi l’interview du directeur des soins infirmiers de l’Atir sur la chaine de télévision Nouvelle-Calédonie la 1ère : https://www.france.tv/la1ere/nouvelle-caledonie/plein-cadre/7069820-emission-du-mercredi-02-avril-2025.html