« L’alimentation, ça soigne l’insuffisance rénale ! »

Charlène Guignet, diététicienne nutritionniste intervenant à l'Atir

« L’alimentation, ça soigne l’insuffisance rénale ! »

« L’alimentation, ça soigne l’insuffisance rénale ! » affirme l’Atir, qui fait appel à des diététiciennes nutritionnistes pour conseiller ses patients dialysés. Leur mission : apprendre aux insuffisants rénaux chroniques comment s’alimenter de manière à améliorer leur santé. L’une d’elles, Charlène Guignet, nous éclaire sur leurs interventions.

Pourquoi l’Atir a-t-elle recours à des diététiciennes nutritionnistes ?

Charlène Guignet : Nous sommes trois diététiciennes nutritionnistes diplômées d’Etat à travailler pour l’Atir. L’association fait appel à nous pour veiller au bon équilibre nutritionnel des patients en hémodialyse et dialyse péritonéale. En effet, le corps médical est conscient désormais que l’alimentation équilibrée hyposodée est une composante du traitement de l’insuffisance rénale.

Notre partenariat comprend deux consultations par an et par patient. La première nous permet de dresser son profil nutritionnel : nous identifions ses besoins et les freins à l’adaptation de son alimentation. La seconde sert au suivi diététique. Sur demande spécifique des infirmiers et néphrologues, nous prenons également en charge les patients en dénutrition. Essentiellement ceux qui doivent perdre du poids avant une greffe rénale et ceux en déséquilibre ionique. Nous traitons, par ailleurs, l’obésité et le surpoids (qui touche plus de 60 % de la population calédonienne).

Enfin, avec l’équipe soignante, nous agissons en prévention de la dénutrition des patients dialysés.

 

Concrètement, comment se déroulent vos interventions à l’Atir ?

Charlène Guignet : L’une d’entre nous passe au moins une demi-journée par semaine dans son unité médicalisée de Dumbéa sur Mer. Nous voyons les patients de dialyse péritonéale qui le souhaitent une fois par mois. Pour les patients en hémodialyse, nous proposons deux consultations diététiques chaque mois. En ce qui concerne les unités de brousse et des Iles, en collaboration avec les infirmiers de l’Atir, nous planifions deux déplacements par an, d’un à deux jours. Nous y organisons des consultations diététiques et des ateliers de groupe, selon les besoins des patients.

 

Vous participez également à la composition des collations destinées aux patients dialysés ?

Les diététiciennes nutritionnistes veillent à l'alimentation saine des patients de l'Atir diététique à l'Atir.

Les diététiciennes nutritionnistes de l’Atir proposent aux patients des recettes de cuisine à la fois saines, alléchantes et savoureuses !

Charlène Guignet : Oui, ça fait partie de notre mission, en pratique. Nous assistons aussi aux réunions du « Clan », le comité de liaison « Alimentation et nutrition » de l’Atir. Et puis nous animons des ateliers d’éducation thérapeutique des patients (ETP) avec les infirmiers et la psychologue de l’Atir. A cette fin, nous proposons des jeux, comme le bingo de la nutrition et le jeu de cartes aliments « C’est ça ké bon », créé avec le Réseau de l’insuffisance rénale en Nouvelle-Calédonie (Résir).

 

 

 

Comment impliquez-vous les équipes de l’Atir dans le soin nutritionnel ?

Charlène Guignet : Nous transmettons en amont notre planning de consultation aux assistantes médicales, infirmiers et cadres de soins. Ensuite, nous informons tous les soignants de l’Atir de nos préconisations nutritionnelles pour améliorer la santé des patients. Pour cela, nous versons le compte-rendu de nos entretiens dans leur dossier médical de néphrologie, avec nos demandes de prescription de compléments nutritionnels oraux. Par ailleurs, nous collaborons étroitement avec le service Qualité de l’Atir pour choisir les fournisseurs des collations distribuées dans les unités de dialyse.

 

Formez-vous ces professionnels pour qu’ils relaient vos préconisations ?

Charlène Guignet : Oui. Sous l’égide du Résir, nous formons à la nutrition le personnel de l’Atir, même à Wallis et Futuna, pour qu’il comprenne la pertinence d’amener le patient à une alimentation équilibrée hyposodée. Et toujours avec le Résir, nous créons des outils pour l’ETP et des supports d’information nutritionnelle spécifiques aux dialysés.

 

Quel accueil vous réservent les patients d’une part, les équipes médicales et paramédicales d’autre part ?

Charlène Guignet : Globalement, nous recevons bon accueil. Certains ont des idées reçues sur les diététiciens mais, en général, les obstacles sont plutôt matériels. Ainsi, quand nous consultons pendant les séances, en salle de dialyse, les patients refusent parfois de nous rencontrer : ils sont fatigués, en hypotension, ou rechignent devant le manque de confidentialité, les dialysés étant proches les uns des autres. Quand ils acceptent des consultations au bureau, il faut les caler juste avant leur séance car les frais d’ambulance pour des consultations diététiques ne sont pas remboursés en Nouvelle-Calédonie. Et puis, il y a les oublis de rendez-vous… Nous sommes trop peu souvent dans leur environnement de vie.

 

Vivez-vous des satisfactions à l’Atir en lien avec votre mission ?

Charlène Guignet : Il est difficile de faire évoluer l’alimentation des dialysés – certains n’ont pas la volonté de modifier leurs habitudes, d’autres n’ont pas le budget suffisant… Pourtant, oui, nous vivons des satisfactions ! En particulier pendant les ateliers d’ETP, qui ouvrent le dialogue sur l’importance de la nutrition comme partie intégrante du traitement. Les patients convaincus de l’intérêt de ces ateliers incitent les autres à y participer. Nous apprécions aussi les consultations menées en duo avec les néphrologues et celles en visioconférence avec les patients à domicile, comme nous avons pu les expérimenter pendant la crise de la Covid-19.

 

Quel programme en 2023 ?

Charlène Guignet : En cette nouvelle année, nous aimerions, d’une part, éduquer très tôt les patients grâce à des consultations diététiques avant l’entrée en dialyse, selon la réglementation française sur les différents stades de l’insuffisance rénale chronique. D’autre part, nous voudrions mieux informer les soignants sur notre rôle. Nous avons bon espoir d’y parvenir.

 

Retrouvez ici une interview de Charlène Guignet sur les plantes comestibles.